mardi 25 mars 2008

36+73=109

Après 36 quais des orfèvres, opéra policier, et succès public, bien que boudé par la critique, Olivier Marchal aurait pu nous jouer la même partition, et nous servir un 36, la suite. Au vu des difficultés qu'il avait rencontrées à l'époque pour faire son film, cette solution lui aurait sans doute permis de se reposer. Mais Marchal n'est pas ce genre de réalisateur. Il lui fallait un autre défi, et surtout une autre histoire, plus personnelle, plus intime.

MR 73, n'est pas un opéra, mais une tragédie totale, une descente aux enfers, une vision du monde désenchantée, où l'homme ne trouve pas de rédemption, ni dans l'amour, ni dans la justice. Oeuvre d'une noirceur absolue, MR 73 peut rebuter par son portrait défaitiste du monde, son univers glauque, sans pitié, sans lumière, sans humour, sans amour. Cette vision du monde qui s'illustre dans des décors délabrés, des hôtels miteux, de grandes maisons sans âme, place MR73 dans un refus de réalisme, dans un monde à la limite du fantasme.

Cet aspect, qui est l'une des principales critiques qui a été faite au film, s'il est contestable n'a est pas moins la preuve que Marchal n'est pas qu'un simple tâcheron, mais qu'il a une vision, un point de vue, qu'il adopte un parti pris. Parti pris déjà présent dans 36, celui de modeler un univers pour qu'il corresponde au mieux à ce qu'il a envie de raconter, quitte à prendre des libertés avec le réel en changeant les tenues des flics, les uniformes, les véhicules.

MR73
est aussi le portrait d'un homme brisé, par ce qu'il a vu, par ce qu'il a vécu, qui ne trouve pas d'autre raison de vivre que de continuer, ou tenter de continuer à traquer les monstres qui peuplent son monde. Mais il n'est pas possible de survivre à ce genre de vie, sauf si l’on fait des compromis, sauf si l'on décide de se détruire à petit feu. Ce portrait c'est celui de ce qu'aurait pu devenir Marchal s'il n'avait pas quitté la police. Ce portrait intense est servi par un Daniel Auteuil parfait, qui mériterait d'obtenir le César l'an prochain.

Au final, il en sort un film dérangeant par sa vision du monde, intense dans ses personnages, prenant par son intrigue, et surtout intègre. Olivier Marchal a choisi de faire un polar noir, glauque, qui ne correspond pas aux canons du polar français, qui ne flatte pas le spectateur, qui ne lui facilite pas la tâche, et le laisse au bout de compte après 2 heures sur le cul, avec de vraies images de cinéma en tête.

Oeuvre intime, au-delà du personnel, viscèrale et puissante, MR73 confirme que Marchal compte parmi les réalisateurs d'importance en France. Du sang neuf dans le cinéma de genre en plein renouveau.

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