mercredi 19 mars 2008

Mélancolique

Wes Anderson en 4 films a créé un univers particulier. Un univers un peu décalé, peuplé d'hommes et de femmes un peu fêlés au sens où ils portent tous une fêlure, une blessure, un manque. Presque toujours lié au père. Que ce soit dans Rushmore où un ado trop mature pour son age cherche à la fois l'amour de sa prof et l'affection d'un homme déçu par ses propres enfants, dans La Famille Tanenbaum où un père tente de reprendre sa place dans sa famille après les avoir abandonné, dans La Vie Aquatique où un pseudo Cousteau cherche à venger son père spirituel tout en tentant de se lier avec un fils qu'il ne connaissait pas, à chaque fois la figure paternelle occupe une large place.
Dans Darjeeling Limited le père est absent parce que mort. Il n'est plus question de le trouver, le retrouver, s'en faire aimer. Les trois zigotos, les tris frères qui embarquent pour ce voyage spirituel en Inde, dans ce train improbable, ne sont pas à la recherche d'un père, mais d'une mère. En chemin ils devront aussi abandonner sur le quai le poids paternel pour devenir enfin adultes.
Les films de Wes Anderson sont comme des bonbons acidulés. Plaisant, mais avec un drôle de gout, acide, piquant. S'ils sont drôles, ce ne sont pas des comédies. Ils portent une mélancolie profonde, à peine cachée sous une cocasserie, un regard décalé, un univers anachronique, peuplé de personnages à la marge, de costumes démodés, de situations où le ridicule pointe le bout de son nez, juste pour nous faire oublier un instant que tout ce que nous voyons est bien triste, et que les personnages pourraient, en d'autres lieux, en d'autres circonstances être pathétiques.
Dans les films de Wes Anderson, les personnages ne sont jamais pathétiques, même les pires, sans doute parce que Anderson les aime et les respecte. Tous ces personnages qui ne pourraient pas exister dans le monde réel tant ils sont excentriques trouvent une vérité, une épaisseur dans l'univers d'Anderson.
Quand on sort d'un film de Wes Anderson, il est difficile de reprendre pied dans la réalité. Ils vous poursuivent longtemps, vous accompagnent, et vous font voir, au coin d'une rue, au détour du chemin, un train bleu traversant une Inde fantasmé, un trio de frères traversant la vie en trainant derrière eux un amoncellement de valises Vuiton, un Bill Muray courant à perdre haleine sur un quai de gare.

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